Acheter un van au prix d'une bicyclette - Partie I : Achat, "dérouillage"et soudure

Dans cet article, nous allons vous raconter l’histoire de l’acquisition de notre nouveau van, surnommé “Joli Jumper”, de son sauvetage de la casse au passage du contrôle technique. (On tentera ensuite un deuxième article “aménager un van 100% recup)
Même si cette expérience, vous le verrez, relève surtout d’un gros coup de chance (ou alignement d’étoiles diront certains), nous souhaitons le partager car elle permet de soulever quelques questions intéressantes pour des personnes souhaitant acquérir un van à (très) bas prix ,et même pour ceux qui ont un budget plus conséquent.
- Que faut-il vérifier avant d’acheter un van ?
- Pourquoi un véhicule peut être refusé à un contrôle technique alors qu’il roule encore très bien ?
- Quels dommages sont réparables, ou au contraire irréversibles ?
- Combien coûte réellement l'acquisition d'un van ?
Et puis, si on creuse un peu le sujet, cette expérience peut nous amener à questionner notre attitude vis à vis de nos objets du quotidien :
- Pourquoi ne cherche-t-on plus à réparer nos objets ?
Que ce soit ici un van, un sac, un vêtement ou un ordinateur … Pourquoi dès lors que l’on nous émet un diagnostic défavorable sur leurs états, nous ne cherchons plus à changer cet état de fait et préférons nous les jeter ?
Cette attitude très passive vis à vis des objets, entretenue et renforcée par une certaine “culture technique” des constructeurs qui font de plus en plus en sorte de dissimuler les entrailles des machines, de peur qu’on mette notre nez dedans, est plutôt problématique pour plusieurs raisons :
- Vis à vis de notre liberté d’usage des objets, elle nous enferme dans une certaine dépendance vis à vis de nos objets, en gros, tout va bien quand ça fonctionne, mais dès que ça se met à déconner, on se retrouve dépendant de l’objet (car cela nous prive de son usage), ou pire encore, dépendant de son constructeur ou réparateur qui va vous dire qu’il vaut mieux le balancer plutôt que de changer/réparer une pièce.
- D’un point de vue économique, parce qu’on ne s’appelle pas tous Crésus, cela met parfois un sacré coup au porte-monnaie de devoir changer un objet coûteux, alors qu'une réparation coûte souvent trois fois rien.
Imaginez combien de séances/stages avec The Breizh to Be vous pourriez vous offrir si vous décidiez de réparer vos objets plutôt que d'en racheter !
- Niveau écologie, n’en parlons pas ! Enfin si parlons en ...
Quand on sait le coût écologique que représente le cycle de vie d’un objet, imaginez que dans le cas de la réparation, on évite :
1) De jeter un produit qui a déjà été fabriqué (ce qui a nécessité beaucoup d'énergies, travail, pollutions ...)
2) Son traitement en tant que déchet. En 2011, pour la France, 2,6 % des émissions des gaz à effet de serre (GES), soit 12,9 million teq (unité de mesure de différentes dioxines) CO2 sont attribués au traitement des déchets. Le méthane non capté émis par les installations de stockage représente la principale source d’émission (source ADEME (Agence de la Transition Écologique). Sans parler du problème de l’enfouissement des déchets ...
3) La fabrication d’un nouveau produit, et donc le cycle qui va avec vous l'aurez compris.
Maintenant imaginons que cet objet est un van de 2 tonnes de ferrailles ….
- Et puis pour finir, d’un point de vue psychologique, ne pas réparer ou fabriquer des objets nous prive de vivre ces petits moments de ferveur créative où nous saisissons des objets matériels et les faisons nôtres, en mettant les mains dans le cambouis et en résolvant des problèmes pour lui (re)donner vie.
Cela nous empêche également de développer une certaine "éthique responsable" vis à vis de notre objet, en effet en nous privant de ce temps nécessaire pour comprendre l'objet, le faire siens et l'apprécier, il est dur d'adopter une éthique responsable vis à vis de celui-ci.
“ On sait que la satisfaction qu’un individu éprouve à manifester concrètement sa propre réalité dans le monde par le biais du travail manuel tend à produire chez cet individu une certaine tranquillité et une certaine sérénité. Elle semble le libérer de la nécessité de fournir une série de gloses bavardes sur sa propre identité pour affirmer sa valeur” - Matthew B.Crawford - L’éloge du carburateur (super livre à lire sur le sens et la valeur du travail)
Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à notre Joli Jumper, et parlons un peu de cette drôle d’aventure qui nous a amenée à acheter un van pour le prix d’une bicyclette.
Tout a commencé un week-end de mars, où nous avions rendez-vous sur la Presqu'Ile de Rhuys (56) avec notre partenaire et ami Jean-Marc, directeur du club de voile du Rohu, localement connu pour ses talents d’expert en système D, "fouineur", "récupérateur" et "retapeur" de génie. Son club est une vraie caverne d’Ali Baba d’objets de récup détournés avec beaucoup de créativité et d'intelligence.
Au fil d’une discussion avec une de ses connaissance, notre ami Jean-Marc entend parler d’une autre connaissance (et oui il connaît tout le monde) qui doit se résoudre à mettre à la casse son Citroen Jumper phase 1 de 1996, alors que celui-ci roulait tous les jours, mais ne passait plus le contrôle technique.
N’étant pas intéressé par l’achat d’un camion, car très satisfait de son légendaire Renault Espace, et sachant qu’on venait le voir le lendemain même, Jean-Marc l’a arrêté sur le chemin de la casse, lui disant que nous serions prêt reprendre son camion (sans même nous avoir posé la question au préalable !)
Nous arrivons le jour suivant, alors que nous partions en Vendée pour un week-end surf, voir notre ami Jean-Marc et rencontrer ce fameux, et on a pas été déçus …
Alors, si on regarde très vite fait, on pourrait se dire qu'il à l'air tout à fait normal, voir très bien si on est optimiste, mais c'est en regardant le contrôle technique et le dessous du camion qu'on comprend ...
Alors voilà, le contrôle technique ressemble à une liste pour le père Noël d'un enfant de 6 ans (2 défaillances critiques, 4 défaillances majeures, 6 défaillances mineures), et le dessous du camion à du gruyère, mais si on regarde bien, le gros problème de ce camion, c'est la rouille, alors on s'est demandé si après tout, on pourrait pas essayer de sauver ce beau camion.
Maintenant, il restait quand même à vérifier quelques trucs avant de tenter de sauver ce camion, en regardant tous les points importants à vérifier avant d'acheter un véhicule d'occasion :
1) Le kilométrage : inévitablement, plus le kilométrage est élevé, plus le camion a, en théorie, souffert.
2) La fiabilité du modèle : Tant au niveau de la marque que de la motorisation, il faut savoir si le modèle précis est réputé fiable. Tous les modèles et toutes les motorisations ne se valent pas ... Ici notre camion est un Ciroen Jumper de phase 1, avec un moteur 2,5L TD de 120 chevaux, véhicule et motorisation réputés très fiables .
Pour connaître la fiabilité du modèle, le mieux est de se renseigner sur des forums spécialisés, ou demander à des connaissances qui ont pu avoir à faire avec ce véhicule.
3) L'état de la carrosserie et du châssis : vérifiez si il n'y a pas de corrosion sur la carrosserie et le châssis, attention, regardez attentivement, certains petits malins camouflent la rouille avec de la peinture (on aura l'occasion d'y revenir ...)
4) Vérifier le moteur, si il n'a pas de fuites (pas de gouttes fraîches au sol ou sur des pièces), si il n'y a pas de "mayonnaise" au niveau du bouchon d'huile ,qui se forme lorsque le liquide de refroidissement entre en contact avec l'huile, pouvant traduire un joint de culasse défectueux (et donc une facture très salée pour le changer), la couleur du gaz d'échappement, elle ne doit pas être trop opaque, trop noire ou trop bleue, et enfin, si il démarre bien à froid.
5) Vérifier le type de transmission et regarder le carnet d’entretien : pour la transmission, vérifier si elle est à courroie ou à chaîne (une transmission à chaîne est presque immortelle, une transmission à courroie peut lâcher au bout de 150 000 km ...)
Pour le carnet d'entretien : Quelles pièces ont-été changées, quand ? ...
Demandez également l'historique des propriétaires, où le camion a été stocké, si il a tiré des remorques, ou si il n'a pas servi à faire des "go fast" ou des courses clandestines (on ne sait jamais, ça abîme drôlement le camion quand même ...)
6) L'état des organes de direction/transmission/suspension. Pour cela, essayez le camion (en prévenant le vendeur, histoire qu'il ne croit pas à un car jacking), roulez avec, écoutez si il ne fait pas de bruits anormaux en ligne droite ou dans des virages, lâchez le volant pour voir si il ne "tire" pas d'un côté, passez un trottoir ou un dos d'âne pour voir si les amortisseurs ne font pas de bruit, et enfin, vérifiez à la fin de votre essai si le moteur n'a pas trop chauffé.
7) Les équipements laissés avec le van, car c'est toujours des économies faites sur des pièces pouvant être utiles dans le futur ...
Dans notre cas, c'était un énorme bonus, le propriétaire nous laissait tout l'équipement du van : un panneau solaire, 2 grosses batteries, un régulateur de charge, une cuisinette en inox (évier+plaques de gaz), un train d'attelage, l'aménagement tout isolé, le mobilier, un frigo portatif, des produits et équipements d'entretien (huile vidange + freins, feux, ampoules etc...), bref, pas mal de trucs qui resserviront si notre tentative de sauvetage ne ramène pas ce Jumper à la vie.
Après avoir vérifié tout cela, vous pouvez, si vous avez remarqué des éléments embêtants, n’hésitez pas à négocier le prix avec le vendeur (même si tout est nickel, vous pouvez tenter, mais restez raisonnables, on est pas au marché aux fleurs quand même ...)
Dans notre cas, le propriétaire souhaitait se séparer du tout pour 500 €(camion+équipements), après une petite négociation autour d'un croissant, notre ami Jean-Marc parvient à nous négocier 300€ pour le tout. C'est là qu'on décide de couper la poire en deux : 150€ chacun : Pierre prend le camion, Irvin l'équipement ...
On signe les papiers de cession du véhicule autour d'un petit café, et repartons avec notre nouveau camion, direction le chantier ....
ETAPE 1 : "Dégommage de rouille"
Pour y voir un peu plus clair, assainir le camion et constater l’ampleur des dégâts, il nous a fallu d'abord retirer toute la rouille présente sur la carrosserie et en dessous du camion.
L'avantage du dégommage de rouille, c'est que cela ne nécessite pas beaucoup de réflexion, lorsqu'on voit du métal mou, orange et poreux, on meule ...
Cela nous a pris une journée entière (et un passage aux urgences), tant la rouille avait rongée le dessous du camion (NB: l'ancien propriétaire travaillait à la montagne et habitait en bord de mer, le sel et l'eau présents sur les routes ont donc faits leurs œuvres sur notre pauvre Jumper).
Quelques kilos de métal rouillé d'enlevé plus tard, on y voit déjà plus clair, et on se dit que, quand même, il va y avoir un peu de boulot ...
On décide donc d'aller voir notre ami Laurent, mécanicien spécialisé dans les contrôles techniques pour voir ce qui'il en pense.
Et voilà un petit schéma pour illustrer ce qu'il a pu nous dire sur la rouille et le contrôle technique :

En gros, si la rouille a rongée les parties en rouge (pièces structurelles), il faut réparer, et bien, si elle ronge le vert, il faut réparer aussi, mais c'est moins grave !
Notre ami Laurent nous montre donc les parties à réparer, et nous voilà partis pour une session de soudure.
ETAPE 2 : Soudure :
Arrive la partie la plus complexe du retapage de notre Jumper, la soudure, parce que bon, une personne sachant souder convenablement, ça ne se trouve pas sous les sabots d'un cheval, un poste à souder encore moins, mais heureusement qu'on avait notre DIYrvin national.
Pour la soudure, le tout était de rapiécer les parties qui avait étés rongées par la rouille, et camoufler le tout pour que le camion paraisse "clean".
Un rapiéçage à la soudure, un petit ponçage pour retirer les aspérités, un coup de peinture bitumée et la magie opère ...
Une fois que les pièces importantes du châssis sont rapiécées, on peut s'occuper de la carrosserie, moins importante, mais qui, une fois réparées, donnent un aspect plus "acceptable" au camion (au vu de notre rencard avec le contrôle technique).
Dans le cas de notre Jumper, parmi les défauts majeurs empêchant la réussite du rencard au contrôle technique, les flexibles de frein n'étaient plus étanches, ce qui pose problème car le liquide de frein s'écoule, et un jour, vous vous retrouvez à ne plus pouvoir freiner au stop, ou pire au passage piéton devant une classe de CP ...
Heureusement, des flexibles se changent assez facilement, il suffit de vider le liquide de freinage, démonter les flexibles et les changer (avec une clef appropriée), remettre le liquide de frein et purger.
Une fois que tous les défauts sont "gommés", on donne un petit coup de jet d'eau sur la carrosserie, on nettoie l'intérieur, et voilà, notre Jumper est enfin joli, et prêt pour son rencard.
ETAPE 3 : Le contrôle technique :
Le moment de vérité arrive enfin, c'est le grand jour pour notre Joli Jumper, va-t-il pouvoir vivre 2 ans de plus ?
Dans notre cas, le contrôle technique avait déjà été passé, il s'agissait d'une contre-visite, une "révision" des points relatés dans le contrôle précédent (défauts critiques, majeurs et mineurs), c'était déjà pas mal dans notre cas.
Le contrôle commence donc par un test antipollution, qui sert à savoir si le véhicule n'émet pas trop de CO2 ou autres particules nocives, pour cela, le mécanicien pose une sonde dans le pot d'échappement et accélère avec le camion sur différents paliers (jusqu'à 5000 tours/min)
Place ensuite au banc de freinage, pour voir si les flexibles, câbles, étriers et disques permettent un freinage efficace. Le mécanicien teste donc le freinage à plusieurs vitesses.
Enfin, l'inspection du châssis, l'instant de vérité dans le moment de vérité. Le mécanicien vérifie si les parties structurelles du châssis n'ont été endommagées, et si les pièces de carrosserie tiennent entre-elles.
Et le verdict arrive ...

La magie a opérée, notre Joli Jumper est sauvé et peut repartir vadrouiller pendant encore 2 ans (et plus si affinités).
Aller, retour sur Terre, et voyons combien l'utilisation de notre van va, et nous à coûté :
- Achat du camion : 150 €
- Consommables outils meulage/soudure (disques, papier à poncer, cuivre de l’électrode etc...), peinture châssis : 50€
- Flexibles de frein : 25€
- Carte grise : 250€
- Assurance : 45€/mois
Total : 475 € pour le véhicule seul
+ 45€/mois assurance
Au total, nous (Yann, Pierre et Irvin, ça fait environ 2 et demi ...) avons passés une vingtaine d'heures à travailler sur ce camion, si on avait dû se rémunérer pour le faire, l'opération n'aurait surement pas été rentable (quoi que ...).
Enfin si on analyse cette activité d'un point de vu "rationnel" d'économiste.
Mais pour nous, notre tentative de récupération de ce van échappe à cette logique rationnelle, ce n'est pas simplement une activité qui consomme une certaine quantité de temps : c'est une autre expérience de notre camion, du temps et de nos propres capacités.
La satisfaction que nous avons éprouvée à retaper ce van, qui saura nous être (très) utile dans les mois et années à venir, suffit à elle même à dire qu'il est bel et bien "valable" de tenter le coup.
Et puis, comme l'a dit un grand monsieur :
"Je ne perds jamais, sois je gagne, sois j'apprends" - Nelson Mandela
Alors, qu'est ce qu'on attend pour retrousser nos manches et réenchanter nos objets du quotidien ?